École à distance, télétravail, téléconsultation, e-commerce, culture sur internet… le confinement a accéléré notre usage du numérique, renforçant notre dépendance à l’utilisation des technologies. Si des initiatives salutaires se sont multipliées pour traiter l’urgence à travers le monde, un problème structurel subsiste et appelle à créer une réelle culture d’inclusion numérique dans laquelle chacun•e sait comment faire sa part.
Fracture numérique, késako ?
Commençons par clarifier les termes, car si l’expression est répandue, elle est rarement définie : la fracture numérique, c’est l’écart d’accès aux Technologies de l’Information et de la Communication entre différents pans de la population.
Accès à internet, au matériel, aux infrastructures... Mais ce n’est pas tout ! L’expression recouvre deux volets supplémentaires : le manque de sensibilisation à la culture numérique (crédulité aux fake news, sécurité, gestion des données personnelles…) et les inégalités de compétences quant à l’utilisation de ces technologies. Il est fondamental de prendre en compte ces deux volets afin de détruire l’idée reçue selon laquelle distribuer tablettes et ordinateurs permettrait de résoudre définitivement le problème.
C’est grave, docteur ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Rien qu’en France, 13 millions de personnes ne sont pas à l’aise avec le numérique (INSEE – 2019). Et pour cause : 79% des hauts revenus sont multi-équipés d’un smartphone et d’un ordinateur contre 51% des bas revenus, ce qui se traduit parfois par un seul ordinateur partagé par foyer, ou l’utilisation d’un smartphone à la place d’un ordinateur. C’est donc sans surprise qu’une personne sur trois manque de compétences numériques basiques. La difficulté à manier des appareils informatiques a pris une telle ampleur qu’on parle désormais d’un nouveau handicap : l’illectronisme.
À travers le monde, ce n’est guère plus encourageant. Polaris Asso a interrogé les parents avec qui elle travaille au Sénégal : 62% ne se sentent pas assez outillés pour accompagner leurs enfants et 42% ne sont pas à l’aise avec les outils numériques…
La crise du coronavirus début 2020 n’a fait qu’augmenter notre dépendance au numérique, forçant au travail et à l’apprentissage à distance. Selon l’UNICEF, 98,5% des étudiants du monde entier ont vu leur établissement fermer au cours de la pandémie ! Ce phénomène a conduit à des décrochages importants chez les élèves et étudiants, et ne fait que renforcer les difficultés de recherche d’emploi pour les jeunes diplômés en contexte économique morose.
Au sein du collectif Different Leaders, dont la moitié des membres sont en cours d’études, les difficultés se sont également fait sentir. Rose, étudiante boursière en école commerce, nous racontait par exemple sa difficulté à s’équiper :
“Après une panne d’ordinateur j’ai dû racheter un nouveau PC dans l’urgence, mais je n’avais pas le budget pour. Je me suis donc tournée vers un notebook d’occasion. Plutôt pratique au début, son utilisation est vite devenue difficile lors du confinement. Les bugs entre deux cours sur Zoom, la perte de connexion internet, sans compter les problèmes de micro récurrents, travailler sur cet ordinateur est une contrainte”.
Equiper, éduquer, s’entraider : les initiatives de la société civile
Si le problème n’est pas nouveau, avec la crise du coronavirus est venue la solidarité. En avril 2020, la Fondation Ippon distribuait des ordinateurs connectés aux enfants de l’école de Grigny, en région parisienne ; l’association Article 1 récoltait 140 000 € euros auprès du public, et a pu ainsi équiper 350 étudiants en difficulté à travers la France ; la fondation SFR et Emmaüs Connect ont équipé et connecté des milliers de personnes exclues du numérique ; et les régions, comme la région Occitanie ou la Région Ile-de-France ont offert du matériel informatique aux élèves.
#coronavirus #UNIVCOVID19 Les ordinateurs pour les étudiants boursiers les plus démunis sont arrivés. Bravo & merci à la région @Occitanie pour cette initiative qui aide à réduire la fracture numérique et sociale. Les équipes @umontpellier mobilisées pour organiser les livraisons pic.twitter.com/2eJnSDjLpy— Université de Montpellier (@umontpellier) April 15, 2020
?Stop au gâchis numérique ! ??⌨️@EmmausConnect lance la 1ère plateforme solidaire destinée à recueillir les dons de matériel usagé des entreprises.
Objectif : aider 50 000 personnes pendant la crise
sanitaire?
➡️https://t.co/EQuh0qjCyx via @mydigitalweek #solidarite pic.twitter.com/A1fDI26Izk— Annie Abela-Lichtner (@AnnieLichtner) November 10, 2020
Remise de 100 ordinateurs portables financés par @ippontech à des écoliers & collégiens de @villedegrigny91 dans le cadre du renforcement de la continuité éducative, en présence du préfet délégué pour l’égalité des chances ? pic.twitter.com/2IFtmQaqmt
— Préfet de l’Essonne (@Prefet91) April 21, 2020
Là encore, il a donc fallu pallier, et former à l’utilisation du matériel comme d’internet. Et là encore, associations et entreprises ont pris les choses en main, comme Article 1 avec ses ateliers numériques délivrés par Google, ou Polaris Asso, WeTechCare et Emmaüs Connect en France qui en ont fait leur cœur de métier.
Journée d’apprentissage sur les enjeux du numérique proposée par Polaris Asso
La solidarité, et après ?
Entreprises, écoles, associations, institutions, étudiants, chacun•e a pris part à ce nécessaire élan de solidarité, avec des dons de matériel, des contributions financières, l’engagement des équipes, la mobilisation entre proches… Mais un problème structurel ne peut pas se résoudre sur le long terme sans anticipation, sans moyens, sans coordination.
C’est tout l’objet du rapport « Faire du numérique un accélérateur de diversité » co-dirigé par Anthony Babkine, cofondateur de Diversidays et auquel des membres de notre collectif ont contribué, remis en septembre 2020 à Elisabeth Moreno, Ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Garantir l’information et l’accès à la formation sur les opportunités numériques auprès des profils sous représentés dans le numérique ; renforcer l’accès de l’ensemble des élèves et étudiants à l’équipement numérique individuel ; renforcer la politique de dynamisation des territoires… En France comme ailleurs, ces priorités ne peuvent plus être laissées qu’aux seules bonnes volontés de la société civile.
Mais ce que la crise a montré, c’est que nous pouvons tous et toutes faire notre part. En donnant une nouvelle vie à nos ordinateurs portables, nos clés 4G, nos casques à travers l’une des nombreuses entités qui font de la récupération de matériel pour les reconditionner et les redistribuer. En faisant des dons défiscalisables aux nombreuses associations qui agissent sur ce terrain. En engageant nos équipes dans de la formation aux outils numériques ainsi qu’à leurs risques auprès des plus jeunes et des plus défavorisés. En responsabilisant les institutions.
Il n’y a plus qu’à se découvrir et se coordonner pour faire de la fracture numérique un sujet du passé.
Ce sujet vous intéresse ?
Rejoignez-nous lors de la table ronde dédiée le 5 décembre 2020 de 14h à 16h dans le cadre de la Journée Mondiale de l’Égalité des Chances en vous inscrivant sur le formulaire suivant.
Chaimaa Babay, Data Scientist ;Rose Kamgueu Simo, Etudiante en Master Programme Grande Ecole ; Ayoub Mhaidir, Ingénieur Data ; Narjisse Nakro, Ingénieure en Énergie et Environnement ; Achraf El Mahmoudi, Ingénieur Data ; Julia Ehamelo, Ingénieure en Risques Informatiques ; Ilhame Hadouch, Elève-ingénieure en Innovative Smart Systems (IoT) ; Idriss Laouali Abdou, Ingénieur Logiciel.
Photos : © Maonghe.M