L’orientation subie est un fléau qui touche particulièrement les jeunes de familles modestes. Pourtant, un recours face à la décision de l’établissement existe. Problème : il n’est accessible que 3 jours après l’annonce de la décision de l’établissement… et c’est ce même établissement qui aura le dernier mot. C’est la raison de la pétition du collectif Different Leaders pour un recours externe, avec un délai d’au moins deux semaines après la décision du conseil de classe.

Nous l’avons tous et toutes connue, cette fin d’année scolaire de 3ème. Elle est marquée par les traditionnels et redoutés conseils de classe de troisième trimestre. Pour des milliers d’élèves de 3èmecette étape charnière, aussi stressante que les examens, permettra à une partie des jeunes de suivre la voie qu’ils et elles ont choisie. Pour une autre, majoritairement issue de classe populaire1Selon un rapport du CNeSCO de 2018, 19% des enfants d’ouvriers estiment ne pas avoir eu le choix de leur orientation contre 10% des enfants de cadres., elle les condamnera à s’insérer dans des voies subies en filière professionnelle.

L’orientation subie est généralement justifiée par des résultats scolaires estimés comme trop faibles. Sur la base des notes, l’équipe pédagogique martèle à l’élève qu’il ou elle n’a pas le niveau pour prétendre à la filière générale.

Pour Sheïma, aujourd’hui entrepreneure, la décision de l’établissement était incompréhensible :

« En troisième, je voulais ouvrir mon agence immobilière et je voulais aller en général car je comptais faire de longues études à ce moment-là. J’avais 12/13 de moyenne, ce n’est pas comme si je n’avais pas le niveau pour aller en générale ! ».

Idem pour A., aujourd’hui consultant en innovation :

« J’avais des notes moyennes, même plutôt bonnes. Mon rêve était de rentrer à Sciences Po parce que je voulais rentrer au Maroc pour travailler pour mon pays. Mais pour mes profs, j’étais celui qui aimait rigoler avec ses potes… alors ils me disaient, non c’est pas possible, t’as pas le niveau pour être en générale il faut plutôt que t’ailles en professionnel, BEP ça serait mieux ».

Quant à Mariam, sa CPE est allée jusqu’à changer ses voeux :

« J’avais demandé générale, parce que je voulais faire du Droit. Je me suis retrouvée avec des vœux pour un bac pro secrétariat. Malgré mes protestations, rien à faire. Et le pire, c’est que c’est arrivé à ma sœur par la suite ! »

 

L’orientation subie a de terribles conséquences sur l’avenir scolaire et professionnel des jeunes. Elle peut être source de démotivation et donc conduire l’élève à l’échec scolaire, simplement au décrochage. Un drame quand on sait que selon l’OCDE, il faut déjà 6 générations pour qu’un enfant d’une famille en bas de l’échelle économique se hisse au niveau moyen. Mais comment maintenir sa confiance envers un système qui a ignoré ses propres souhaits ? À moins d’un coup de chance, trop aléatoire selon Mariam :

« Heureusement que pendant mon cursus, je suis tombée sur une affiche qui m’a montré qu’il était possible de retrouver un parcours général. Aujourd’hui, j’ai un Master 2 en transformation digitale et je travaille dans une grande entreprise de consulting. Mais c’était un coup de chance ! »

Pour Sheïma, comme pour A., c’est la force de conviction et la mobilisation de la famille qui leur a permis de réchapper au parcours du combattant qu’à dû faire Mariam.

« Le fait que j’étais déjà consciente à ce moment-là des vices pour amener les gens en pro m’a permis d’être ferme sur ma décision d’aller en générale. Et puis j’avais un très fort caractère à cet âge-là, alors suite à ma contestation dès les premiers signes de résistance lors du 2nd semestre, on ne m’en a jamais parlé, et j’ai pu aller en générale. », nous raconte SheÏma.

« Mes parents sont venus en France pour me permettre de faire des études. C’était leur rêve que je fasse des études, un master. Du coup, ils ont dit non. Et je ne sais pas exactement comment, mais ça a marché », poursuit A.

 

L’orientation en classe de 3ème: si on ne connaît pas le système, on perd.

Entre ses cours et le brevet qui se profile à l’horizon, l’élève en 3èmeannée doit songer à son avenir scolaire en se préparant à intégrer une filière d’études en cohérence avec son projet professionnel. Tout au long de son année, l’élève doit peaufiner ce projet en s’appuyant sur les ressources mises à disposition, l’équipe pédagogique de son établissement et son entourage familial. Lorsque sa décision est en partie arrêtée, la famille renseigne ses vœux provisoires sur la plateforme educonnect à la fin du 2ème trimestre. Lors de la phase finale à la fin du 3ème trimestre, l’élève et sa famille indiquent leurs choix définitifs d’orientation.

Le conseil de classe tranche et formule sa proposition d’orientation. Si elle est conforme au choix de l’élève : la proposition d’orientation devient une décision d’orientation, notifiée par le chef d’établissement. Si elle est différente du choix de l’élève : le chef d’établissement prend la décision définitive après un entretien avec la famille permettant un ultime dialogue. Si le désaccord persiste malgré le dialogue, la famille peut demander un recours.

Vous l’ignoriez ? Tout comme les 95% 2Sondage du collectif des Different Leaders réalisés auprès de 530 sondés en Décembre 2020des sondés à qui nous avons demandé s’ils avaient connaissance du recours pour contester la décision d’orientation du conseil de classe et du chef d’établissement. Mais ce n’est pas tout… Si la famille a la chance de connaître cette procédure, elle ne dispose que de trois jours ouvrés après l’annonce de la décision pour saisir la commission d’appel, qui statuera ou non en faveur du choix de la famille. Trois jours seulement pour défaire un arrêté aussi crucial dans le parcours scolaire d’un élève.

Vous vous en doutez, selon les chiffres que nous avons trouvés, ce sont uniquement 3% des familles qui contestent la proposition du conseil de classe. La moitié d’entre elles voient leur vœu d’orientation honorée par le chef d’établissement. Et parmi l’autre moitié déboutée, un tiers uniquement saisit la commission d’appel.

 

Ensemble, nous pouvons obtenir un recours plus juste

C’est parce que nous savons les ravages de la désorientation sur la confiance en soi, les parcours scolaires et professionnels qu’avec le collectif DIfferent Leaders, nous avons investi la consultation des Etats Généraux de l’Éducation, et la consultation nationale sur les discriminations lancée par le Gouvernement en mai dernier. Dans les deux cas, nous avons demandé à ce que le délai de recours face à la décision de l’orientation de l’élève par l’établissement soit allongé, et que ce recours se fasse auprès d’une institution externe à l’établissement. Dans les deux cas, notre proposition a été parmi les plus votées de la consultation… à tel point que nous allons même pouvoir la porter directement auprès du Premier Ministre à la rentrée. Mais nous n’avons aucune garantie qu’il la mette en place !

Alors c’est à nous d’agir.

Vous venez de vivre cette expérience, ou vous connaissez quelqu’un qui vient de le vivre ? Vérifiez : si vous êtes dans les temps, il est encore temps de faire appel !

Vous pensez que la décision de votre établissement est liée non pas à des critères objectifs mais à à l’origine sociale ou à l’identité de l’élève ? Saisissez le Défenseur des Droits pour le faire savoir, et obtenir une décision différente.

 

Vous souhaitez mettre un terme au fléau de l’orientation subie ?

Signez notre pétition, et partagez-là !

Le Gouvernement nous a demandé de formuler des solutions contre les discriminations. Nous l’avons fait et nous avons montré que l’orientation se hisse en haut des préoccupations.

Ensemble, nous pouvons mener ce combat à son terme. Gagnons ce combat ensemble.