Photo : ©Maonghe.M

En 2016, à 20 ans et après deux ans de classe préparatoire, Sarah n’a réussi à trouver aucune banque pour payer les frais de scolarité annuels de 11.650 € pour sa grande école de commerce. A quelques mois de la rentrée, elle a essuyé les refus. Aujourd’hui Chef de projet marketing dans une entreprise du CAC 40, Sarah s’engage pour l’égalité des chances avec les Different Leaders et s’adresse aux grandes écoles. Simplifier, unifier et améliorer les programmes d’égalité des chances pour aider les étudiants boursiers à financer leurs frais de scolarité, c’est le combat qu’elle mène au sein du collectif.

Bonjour Sarah, pour commencer, peux-tu nous dire comment tu as financé ton école de commerce ?

J’étais fille de parents divorcés, avec une mère au chômage et un père auto-entrepreneur. Sans entrer dans les détails, économiquement ce n’était pas facile pour nous. Donc après avoir réussi mes oraux, fière d’avoir été admise dans ma grande école classée dans le top 10 des écoles de commerce après deux ans de classe préparatoire et des concours écrits intenses, j’ai commencé à faire le tour des banques pour mon prêt à deux mois de la rentrée, confiante, même si j’étais boursière. Sauf qu’une par une, les banques m’ont refusé le prêt. Je n’étais pas éligible : mes parents n’étaient pas considérés comme des garants assez solides. La situation économique familiale allait donc me fermer la porte des études dont je rêvais.


J’étais au pied du mur. Je sortais de prépa, je n’avais pas de diplôme reconnu par l’Etat, juste une équivalence, il était difficile de trouver une solution sur le tas… Je me suis donc retrouvée à la veille de la rentrée scolaire dans une situation un peu délicate.

En cherchant des solutions, j’ai découvert les prêts bancaires garantis par l’Etat. J’ai donc commencé les démarches pour y accéder : j’ai dû envoyer mes bulletins de notes de prépa, un projet professionnel détaillé, une bonne lettre de motivation pour que la banque défende mon dossier et que l’État puisse se porter garant pour moi. Cependant, il faut savoir que la somme maximale du prêt garanti est de 15 000€, et peut être souscrit tous les deux ans. Or mon école avait un coût annuel de 11 650€ et que le programme académique durait 4 ans, dont une gratuite (l’année de césure). Alors après un calcul rapide, il est devenu évident que cette solution n’était que temporaire… je savais qu’en deuxième année, j’allais à nouveau être face à une barrière quand l’école me demanderait de payer les frais annuels.

Pour faire face à ce problème, je me suis reposée sur l’option alternance… C’était sans compter que sans réseau et sans expérience professionnelle à faire valoir, trouver une alternance sur deux ans n’était pas une affaire facile. Alors voilà qu’à la rentrée de ma deuxième année d’école, et un emprunt de 15 000€ plus tard, je n’avais plus de quoi payer la suite de mes études. L’Etat m’avait déjà aidée, et ma “grande école”, elle, n’avait aucune solution à me proposer ! 


C’est à ce moment que j’ai découvert l’association Article 1, qui m’a accompagnée et à pu se porter garante pour un second prêt de 15 000€. La démarche était beaucoup plus facile à faire que celle pour le prêt garanti par l’État.

On sait que les écoles offrent une multitude de programmes (double diplôme, master à l’étranger, master spécialisé etc.), que souhaitais-tu faire, toi, en arrivant ?

Pour moi, tous ces programmes, ils n’existaient pas. Ils n’étaient pas pour moi. Une fois à l’école, je ne m’étais pas permise de rêver des autres opportunités que celles qu’elle proposait, je ne pouvais pas penser aux autres masters spécialisés ou double-diplômes. Un Master spécialisé ? Des frais en plus ! Je devais déjà penser à comment j’allais rembourser mes deux prêts…

L’alternance c’était une obsession, la seule porte de sortie que je voyais. J’en ai finalement trouvé une… en Master 2. À force de persévérance et de travail, grâce à la classe préparatoire, oui, j’avais eu l’école de mes rêves… mais je n’ai pas pu avoir accès au programme de mes rêves pour des seules raisons économiques. Alors que je voyais mes ami.e.s regarder les programmes qui étaient proposés par l’école, pour moi l’idée de faire un Master Of Science était impensable. Je restais concentrée dans mon objectif de diminution du coût de ma scolarité.

 

La réalité, elle, n’a pas pris de pause : j’ai terminé mon cursus au 31 août 2020, et ma première mensualité de 520 euros pour mes deux emprunts est tombée… au mois d’octobre. Je disposais donc de 2 mois pour trouver un emploi afin de commencer à rembourser mes emprunts.

Étais-tu au courant de tous les programmes d’égalité des chances qui étaient proposés par les grandes écoles ?

Non. Moi j’aurais rêvé avoir une présentation exhaustive des programmes d’égalité des chances. J’aurais été rassurée de savoir que telle école proposait une alternance sans places limitées, par exemple. J’aurais aimé savoir que toutes les écoles accompagnaient, de la même façon, les élèves boursiers.

Je ne voulais pas limiter mon choix d’école à des programmes d’égalité des chances… Mais ça a été un combat financier perpétuel, auxquelles se sont ajoutées  les difficultés pour trouver un logement, pour faire un prêt etc !

Quels conseils pourrais-tu donner aux élèves qui sont dans la même situation que toi ? 

Premier conseil : être déterminé et se dire que l’on va y arriver, qu’il existe forcément une solution, et s’entourer de ses proches pour garder le moral. 

Ensuite, pour ce qui est de la recherche d’information : il ne faut pas hésiter à appeler les associations, à demander des contacts, à bien expliquer sa situation et les problèmes rencontrés. Vous l’aurez compris, c’est très compliqué de trouver une aide qui pourra vous aider dans votre financement d’études. C’est pour cette raison que le mieux est d’appeler directement des associations comme Article 1 qui ont de bonnes connaissances sur ces problématiques et qui pourront vous aiguiller. 

Enfin, lorsque vous aurez vos rendez-vous avec les établissements bancaires, je conseille évidemment de constituer un dossier béton, avec toutes les pièces demandées et même celles que l’on ne demande pas. Il faut malheureusement en faire deux fois plus que tout le monde et montrer que votre dossier est solide. 

 

Vous l’aurez compris, ce n’est pas chose facile de trouver son financement. Entre la fin des concours écrits, le début des oraux et du “Tour de France”, les frais SIGEM à avancer et enfin les frais de scolarité à payer, il est important d’anticiper les dépenses et de voir si des aides existent. 


Si vous êtes arrivés jusqu’ici, vous avez donc compris que j’ai dû affronter ces difficultés et que j’essaye de combattre ces injustices. C’est pour cette raison que je m’engage avec le collectif des Different Leaders et que nous nous mobilisons pour changer les choses. Ces dernières semaines, nous avons commencé à récolter des retours d’expérience sur les parcours de financement. Si vous vous reconnaissez dans ce que je vous ai raconté, n’hésitez pas à nous contacter, ou bien à répondre à notre questionnaire qui nous permet de comprendre toutes les problématiques des étudiants préparationnaires.