Emploi et employabilité : comment s’en sortir cette année (3/3)
Les temps sont durs, c’est indéniable. Alors la question se pose : comment en faire bon usage pour renforcer son employabilité ? Selon qu’on doit absolument trouver un poste ou qu’on a un peu de temps devant soi, les réponses ne seront pas les mêmes. Julien Dupont, Abdourakhmane Diop et Sofia Laroussi ont donc décidé de vous offrir 3 approches aussi différentes que complémentaires. On continue avec les conseils depuis l’intérieur d’un département des ressources humaines pour valoriser vos soft skills.
Pour le dernier article de cette série, aujourd’hui on échange avec Sofia Laroussi, Different Leaders, juriste en droit social et HR Business Partner dans une société d’assurance. Elle nous décrypte la notion tendance de soft skills et nous partage, depuis les coulisses de l’entreprise, es conseils pour les identifier, les développer et les valoriser tout en relevant le défi de rester authentique au travail.
Que sont les softs skills, Sofia ?
Les soft skills englobent beaucoup de choses, et la difficulté actuelle est que c’est un terme très tendance et usité. Les soft skills désignent les compétences douces, transversales, ou humaines et se distinguent des hard skills qui sont les compétences techniques. Le problème est que cela tend à devenir une notion fourre tout. Une des distinctions à retenir est que les hard skills c’est le “what” you do (ce que tu fais) et les soft skills c’est le “how” you do it (comment tu le fais).
Dans leurs articles pour booster son employabilité ou pour décrocher un job, Julien et Abdou nous disent que les soft skills sont une clef pour obtenir un emploi, est-ce que tu valides ?
Totalement ! Déjà en 2019, 62% des managers se disent prêts à recruter un candidat principalement sur ses compétences comportementales. NB : lien de l’étude inclus dans la phrase
Ces dernières années, l’évolution du monde et modalités de travail, leur complexité, n’ont fait qu’accroitre l’importance de ces soft skills. L’obsolescence des compétences techniques et expertes (hard skills) s’accélère, si bien que le principal défi pour le salarié est aujourd’hui de parvenir à adapter ses compétences à des fonctions qui ne cessent d’évoluer.
Si le diplôme reste un pré requis, aujourd’hui c’est donc surtout le potentiel d’un candidat qu’on regarde. Pour l’employeur, c’est la promesse d’un candidat qui peut mieux s’adapter et se développer, pour répondre aux besoins et enjeux de l’entreprise. C’est cela, l’importance des soft skills et c’est cette approche, ce fil conducteur, que vous devez garder à l’esprit.
Cela s’est encore vérifié dans le contexte exceptionnel actuel : on a eu besoin de personnes qui savaient y faire avec le digital, s’adaptent pour revoir leurs projets et priorités, etc. Les compétences comportementales ont donc une importance encore plus grande dans les recrutements post-crise. NB : lien de l’étude inclus dans la phrase qui précède Savoir s’adapter apparait essentiel, tout comme l’autonomie et la capacité à prendre des initiatives. Egalement, savoir faire preuve d’organisation, d’optimisme et d’esprit d’équipe sera particulièrement prisé des employeurs en 2021.
Peux-tu donner d’autres exemples de soft skills importantes ?
En plus de l’adaptabilité, il y a la communication d’une part. Elle est centrale, il est essentiel de savoir communiquer sur ce qu’on fait (et savoir le vulgariser lorsqu’il s’agit d’expertise pointue) et d’avoir la capacité à embarquer, à convaincre, à être compris•e et à être compréhensible par une variété de publics.
L’autre soft skill essentielle est la maîtrise des relations interpersonnelles, autrement appelée la capacité de collaboration. Aujourd’hui on parle beaucoup de l’intelligence émotionnelle, la capacité à travailler avec tout le monde. L’avantage est que c’est comme un cercle vertueux, une soft skill en développe souvent une autre !
En tant que RH, comment tu vois l’utilisation des soft skills évoluer dans la recherche d’emploi ?
Je remarque que la mention de soft skills est très utilisée, et tant mieux, mais ce n’est pas toujours fait de la meilleure manière.
D’abord, parce que certaines de ces compétences ne sont pas vraiment comprises par les candidats qui les mettent en avant. Ou parce que leur valorisation n’est pas optimale.
Par exemple, il m’est arrivé de voir : “grande capacité de négociation” listée dans les soft skills pour un poste dans les achats. En réalité, pourquoi ne pas la mettre en avant dans les compétences techniques (les hard skills, donc) : la capacité de négociation est inhérente aux jobs Achat. Il faut avoir en tête que la mention des soft skills sert à se démarquer d’autres candidat•e•s. toutes compétences égales par ailleurs.
Je note aussi l’apparition de longues listes de soft skills. C’est une mauvaise idée, il vaut mieux en mettre un nombre plus modeste mais réellement maitrisées et de qui ont une vraie valeur pour l’opportunité visée.
Enfin, restez authentique ! Il ne faut pas ajouter la case “soft skills” avec une liste copiée/collée, sans réfléchir. Cela demande un vrai travail en amont, qui sera payant !
Quels sont tes conseils ?
D’abord, identifier ses soft skills et cela impliquer d’être à l’aise avec la notion et cohérent dans sa recherche et son parcours. Plusieurs étapes :
1. Se renseigner, connaître les soft skills. Utilisez par exemple Job Ready, oui je publicite les programmes Article 1 (rires) ! Il faut s’attacher aux référentiels, connaître les familles de soft skills pour se repérer facilement. Egalement, se renseigner sur les soft skills prisées des employeurs ! Sur Internet, vous trouverez beaucoup d’études et d’articles intéressants, allez-y, lisez-les ! Cela vous permettra de bien comprendre ce dont il s’agit et de faire le lien avec vos propres expériences.
2. Se baser sur son expérience. Beaucoup disent “moi, j’ai un bon relationnel”, sans pouvoir ensuite nous donner d’exemple. Or il faut surtout veiller à relier ces soft skills à vos expériences réelles pour donner de la consistance à ce que vous mettez en avant sur votre lettre de motivation ou le jour de l’entretien. Donc prenez du recul sur votre parcours et toutes vos expériences, listez-les (loisirs, bénévolat, et même l’organisation de l’enterrement de vie de jeune fille de votre meilleure amie !) et professionnelles (petits boulots, stages, alternances) et faites 2-3 bullet points de ce que vous avez développé ou appris en dehors des seules compétences techniques.
3. Un autre bon moyen pour identifier ses soft skills est d’interroger les autres, celles et ceux qui vous côtoient au quotidien (famille, professionnels, ami•e•s), dans un échange en toute bienveillance. C’est comme faire valider ses compétences sur LinkedIn, mais dans la vraie vie !
Ce bilan sur votre parcours est fondamental et vous permettra d’identifier ce que vous avez déjà acquis, comme ce que vous devez (ou avez envie de) développer.
Ensuite, savoir les valoriser. Ce que je dis souvent est que le ou la candidat.e est un tout : il faut veiller à rester cohérent.e à toutes les phases du recrutement.
4. Sur le CV, ce qui compte c’est que ce soit clair, concis. Affichez 3 à 5 Soft skills maximum, en cohérence avec votre parcours (cf. plus haut !). En terme de forme, un encart en bas du CV montre une capacité à synthétiser, plutôt qu’une mention après chaque expérience qui peut parfois être confuse.
Si possible, il faut s’adapter au job concerné. Je parlais tout à l’heure des soft skills les plus recherchées par les employeurs : un secteur / métier peut rechercher plus particulièrement un certain type de compétences. Lisez bien les offres d’emploi, regardez les profils Linkedin des professionnels du secteur, etc.
5. Pendant l’entretien, les soft skills que vous indiquez sur votre CV doivent apparaître assez naturellement. Cela parait logique, mais si on indique “bonne aisance à l’oral” et qu’on bafouille, cela joue contre nous. Idem, si on met en avant la “rigueur” et qu’on écrit Madame au lieu de Monsieur dans une lettre ou un email. Lorsque vous souhaitez mettre vos qualités en avant, n’oubliez pas que votre l’écrit, l’oral, la posture, la gestuelle parlent également pour vous. Les échanges de mails avec les recruteurs, les appels, le ton en entretien… Contrairement aux hard skills, vos soft skills sont visibles à chaque étape du recrutement.
Et pour l’entretien, rien de tel que de s’entrainer : l’aisance vient aussi de la pratique.
Tu nous parles d’entrainement: peut-on s’entrainer lorsqu’il s’agit de soft skills ?
Les soft skills se travaillent ! Il est essentiel de comprendre ce que sont ces compétences, d’identifier nos forces et faiblesses, et y travailler tout au long de son parcours professionnel.
Chacun d’entre nous avons nos forces, nos atouts issus de notre parcours mais aussi des points à développer. Et tous doivent se travailler au fil de notre carrière. Aucune perte de confiance à avoir donc ! L’idée est de devenir la meilleure version de soi-même professionnellement parlant, tout en restant soi-même.
Un article que je trouve très intéressant NB : lien de l’article inclus dans la phrase qui précède distingue justement les traits de personnalité et l’état émotionnel, des soft skills. Nos traits de personnalité (extraversion, curiosité, …) et notre état émotionnel , par nature temporaire (enthousiasme, satisfaction,…), seraient à distinguer de ces compétences qu’on peut acquérir et développer.
Bien sur, notre personnalité peut expliquer notre capacité à développer plus ou mois aisément certaines de ces compétences (communication, résilience, adaptabilité, créativité…). Mais les soft skills, comme toute compétence, se développent au travers de nos expériences et se cultivent.
Et le meilleur moyen de les développer, c’est de régulièrement prendre du recul sur son parcours, faire le point sur ce qu’on a développé, ce qu’on doit travailler ou qu’on souhaite renforcer, acquérir, et trouver l’opportunité qui nous permettra d’y parvenir (formation, projet, expérience personnelle, art, sport, ouvrages, e-Learning, mentor, etc. !)
Un dernier mot à partager ?
Ça paraît bateau mais encore une fois … restez-vous même !
Le travail d’identification des soft skills est un travail de développement personnel qui doit être vu comme positif et ne doit surtout pas vous empêcher d’être vous-même au travail. Donc surtout, il ne faut pas mentir, ou se mentir. On recherche ce qui fait votre différence, et le processus de recrutement doit poser les bases d’une future collaboration réussite et positive pour les deux parties. D’ailleurs, en parlant de ce qui fait la différence, depuis fin 2019 une nouvelle tendance : les recruteurs s’attachent aux « mad skills », NB : lien de l’article inclus dans la phrase qui précède compétences folles à savoir … les loisirs ! Ou comment les recruteurs vont eux aussi déduire vos qualités en fonction de vos hobbies (sport,…), hobbies qui étaient éclipsés par les soft skills mais ne doivent donc plus être négligés…
Enfin, les RH sont aussi des êtres humains, et on sait qu’il y a des choses qui s’apprennent avec l’expérience. A nouveau : on veut du potentiel, des capacités à apprendre et à communiquer, et on recherche quelqu’un qui se connaît plus que quelqu’un qui sait déjà tout !
Donc soyez vous mêmes, rappelez-vous, « tous les autres sont déjà pris »…
Interview de Sofia Laroussi par Carmen Vitour.
Photo by Christina Wocintechchat